QR Code
https://iclfi.org/pubs/ro/5/liberation

Pendant que l’armée israélienne poursuit son massacre génocidaire à Gaza, une virulente campagne raciste contre les supporters de la cause palestinienne déferle sur tout le Québec et le Canada. De Trudeau à Legault, en passant par les administrations universitaires et les médias corporatifs, le soutien à la juste cause de libération nationale des Palestiniens est associé au « terrorisme » et à l’islamisme militant. Les masses québécoises, qui ont une expérience on ne peut plus extensive de l’oppression nationale, ressentent pourtant une révulsion profonde devant les massacres à Gaza. Mais elles sont aussi manipulées par les démagogues de la droite nationaliste des torchons de Québecor et autres pour les embrigader dans la campagne raciste, voulant associer la cause palestinienne au « multiculturalisme » hypocrite du Canada anglais, à l’antisémitisme et à la haine des femmes. Un programme clair et net liant la défense des Palestiniens à la cause de la libération nationale du Québec est donc plus urgent que jamais.

Mais la réponse de la gauche et des organisateurs de manifs propalestiniennes n’est qu’un tissu de libéralisme impuissant ou, dans certains cas, d’apologie pour les djihadistes réactionnaires du Hamas (ou les deux en même temps). Manifester en anglais dans les rues de Montréal pour demander à Trudeau d’appliquer les belles « valeurs canadiennes » sur la scène internationale est un repoussoir on ne peut plus efficace pour les Québécois opprimés qui associent justement le nom de Trudeau à l’oppression brutale du Québec (comme dans la crise d’Octobre). Comme l’explique la déclaration de notre organe international Spartacist (voir page 13), ces stratégies ne mènent d’ailleurs qu’à la défaite pour le peuple palestinien !

De toute manière, comme dans chaque guerre passée menée par l’État sioniste contre les Palestiniens, les grandes puissances impérialistes (et les petites comme le Canada) et l’ONU ont été très claires qu’elles n’ont aucun souci pour les droits nationaux et la vie des Palestiniens. Il faut voir la réalité en face : la stratégie de vouloir convaincre ces leaders impérialistes d’agir dans les intérêts des Palestiniens ne porte aucun fruit et ne peut qu’amener plus de défaite et de démoralisation. Il faut changer de stratégie.

Organiser la lutte anti-impérialiste

Au Québec et au Canada, la seule manière concrète d’aider les Palestiniens et de s’opposer au sionisme est en s’attaquant à l’impérialisme canadien et son grand frère U.S. Au Canada, grand exportateur d’armes, ce ne serait par exemple qu’une formalité pour les syndicats de stopper toutes les expéditions d’armes à l’État sioniste — le Canada exporte des millions de dollars en armes vers Israël. Ce sont les travailleurs québécois et leurs frères et sœurs au Canada anglais, qui fabriquent et transportent ces armes. Ils ont le pouvoir de stopper ces livraisons d’armes destinées à continuer le massacre et l’oppression nationale des Palestiniens. Cela serait une façon concrète de se battre pour la libération des Palestiniens et aussi pour la libération du Québec parce que ça serait une attaque également contre les intérêts de la bourgeoisie canadienne et ses patrons à Washington.

Mais même des actions aussi élémentaires se butent aux directions procapitalistes du mouvement ouvrier. Plusieurs syndicats ont bien dénoncé l’envoi d’armes à Israël par le Canada… mais ne lèvent pas le petit doigt pour mobiliser leurs membres dans des actions concrètes de boycottage. La raison pour cela est que l’opposition de ces bureaucrates à la guerre de Gaza est entièrement dans le cadre de ce qui peut être « acceptable » à Trudeau et aux autres impérialistes. La CSN par exemple s’est contentée d’appuyer une déclaration implorant le gouvernement libéral pour « la fin du commerce d’armes avec Israël ». Sans actions concrètes, ce pleurnichage libéral envers l’État canadien oppresseur est pire que de ne rien faire. Mais cela illustre la nécessité de bâtir un pôle anti-impérialiste opposé à ces traîtres ouvriers et qui se bat pour lier les actions concrètes en défense des Palestiniens — dans les usines de production d’armes et les transports internationaux comme au port de Montréal et à l’aéroport Dorval-Trudeau par exemple — à une bataille pour la libération nationale et sociale du Québec de l’État canadien et de ses laquais chez les élites et les chefs syndicaux nationalistes québécois !

Bien que le Canada soit une puissance impérialiste de deuxième rang (pour être charitable), il fait partie de l’ordre impérialiste mondial dominé par les États-Unis. Aujourd’hui, le monde est plus instable qu’il ne l’a été depuis la chute de l’Union soviétique, et le conflit au Moyen-Orient ne fait que causer encore plus de maux de tête aux impérialistes américains. Les États-Unis et ses alliés ont besoin de rétablir la stabilité dans la région à n’importe quel prix, surtout une région abondante en pétrole. L’État sioniste ainsi que les régimes arabes réactionnaires et détestées sont nécessaires à cette stabilité.

Les intérêts de la classe ouvrière internationale sont diamétralement opposés. L’ordre impérialiste mondial est l’ennemi de milliards de personnes souffrant d’oppression nationale, économique et sociale à travers le monde. C’est dans l’intérêt du mouvement ouvrier international de faire chuter l’État sioniste non seulement pour libérer les Palestiniens, mais aussi la classe ouvrière israélienne. Dans les centres impérialistes, les mêmes dirigeants qui soutiennent le massacre à Gaza lancent des attaques massives d’austérité contre les travailleurs qui ont de plus en plus de difficulté à se loger et à se nourrir. Des actions comme des grèves en appui aux Palestiniens seraient des attaques réelles contre l’impérialisme canadien. Affaiblissant ainsi l’ennemi, les ouvriers au Québec et au Canada pourraient en même temps renverser la vapeur et améliorer leur situation aux dépens des establishments québécois et canadien (voir notre déclaration en page 3 : « Le Front commun doit casser cette dictature de mononcles ! »).

L’impérialisme : ennemi des Palestiniens et des Québécois

Organiser une lutte anti-impérialiste au Québec en appui de la cause palestinienne n’est pas un appel à la solidarité libérale de pacotille : la classe ouvrière québécoise a un intérêt dans la lutte pour les droits nationaux des Palestiniens parce qu’elle est aussi victime de l’ordre impérialiste mondial. Les peuples palestinien et québécois partagent des ennemis communs. Les deux ont été opprimés par l’Empire britannique, lequel a réprimé sauvagement la révolution démocratique des Patriotes de 1837-38 et la grande révolte arabe de 1936-39 cent ans plus tard. Respectivement, ces deux défaites ont amené à la construction de l’État canadien moderne et à la formation de l’État sioniste. Aujourd’hui, les États-Unis soutiennent indéfectiblement un « Canada uni » contre le peuple québécois ainsi qu’Israël contre le peuple palestinien. Étant donné leur ennemi commun, l’impérialisme, chaque coup porté par le mouvement ouvrier québécois aidera un tant soit peu la cause palestinienne. Chaque pas que les ouvriers québécois font vers l’indépendance du Québec sera un coup modeste, mais réel porté contre l’impérialisme en Amérique du Nord !

Pour une direction anti-impérialiste dans les syndicats !

Une perspective révolutionnaire, en Palestine/Israël comme au Québec, est donc plus urgente que jamais. Mais les deux peuples n’ont subi que défaites et humiliations depuis des dizaines d’années. Au Québec, ce qui reste des acquis de la Révolution tranquille pour les travailleurs est de plus en plus sacré aux vidanges, tandis que les Palestiniens n’en finissent plus de subir les massacres sionistes. Mais la responsabilité pour ces défaites tombe sur les directions nationalistes de ces mouvements, qui n’ont jamais offert de perspective de victoire. Au Québec, les bureaucraties syndicales ont depuis toujours subordonné la lutte de libération nationale et la lutte des travailleurs aux élites nationalistes québécoises, comme le Parti québécois, qui ont freiné à chaque tournant l’élan des masses québécoises pour leur libération. En Palestine, la population continue de payer encore bien plus cher pour la stratégie de ses leaders nationalistes, comme l’Organisation de libération de la Palestine, qui ont essayé inutilement de convaincre les États-Unis et l’ONU de les laisser former un État palestinien. Au Québec et en Palestine, le nationalisme bourgeois n’amènera pas à la libération nationale parce qu’il ne s’attaque pas au système impérialiste mondial.

Les chefs syndicaux d’aujourd’hui au Québec, tout comme d’ailleurs les nationalistes « de gauche » comme Québec solidaire et l’aile soi-disant progressiste du PQ, acceptent dans les faits l’ordre impérialiste mondial dans la mesure où ils appuient les visées de « l’État québécois » et des patrons québécois qui cherchent à en tirer leurs petits profits. Quand François Legault, cette incarnation du boss québécois cheap et arriéré, a qualifié d’« inacceptable » la manifestation pro-Palestine du 8 octobre à Montréal, aucun chef syndical n’a défendu les manifestants ni dénoncé les crimes de l’État sioniste. Au lendemain des attaques criminelles et contre-productives par le Hamas contre des civils israéliens et étrangers, les bourgeoisies québécoise et canadienne se sont mises fermement du côté de Netanyahou et ont essayé de discréditer toute opposition à l’État sioniste. C’est dans des moments comme celui-ci que le peuple palestinien a besoin de soutien et non seulement en paroles, mais en actions. Même une grève de quelques heures aurait envoyé un signal fort à Legault et à ses patrons impérialistes que les travailleurs québécois défendent les droits nationaux des Palestiniens !

Mais les chefs syndicaux ne vont pas gâcher le consensus pro-Israël. C’est seulement quand le nombre d’enfants palestiniens massacrés par les bombes israéliennes a dépassé plusieurs milliers et que l’outrage moral envahissait les réseaux sociaux que la FTQ et la CSN ont daigné sortir des communiqués impotents réclamant un « cessez-le-feu immédiat » . Mais même l’aile plus libérale du Parti libéral du Canada en demande autant ! (Une aile de la bourgeoisie libérale canadienne croit effectivement qu’une posture pour « la paix » donne un avantage moral au Canada dans les tractations impérialistes internationales). Mais on ne peut pas se laisser duper : les gouvernements impérialistes arrêteront d’armer l’État sioniste seulement quand ils y seront forcés. Et qui peut les forcer ? Des travailleurs comme ceux et celles de la CSN et la FTQ ! La vision du monde des bureaucrates syndicaux, où la domination par les États-Unis et ses alliés est un fait de la vie inébranlable, conduit au contraire à l’impasse dans la lutte de libération nationale de la Palestine, du Québec, et dans les luttes syndicales tout court !

La tâche des travailleurs et des jeunes qui veulent défendre les Palestiniens est de se battre pour construire un mouvement anti-impérialiste et pour forger une nouvelle direction dans le mouvement ouvrier qui mettra cette lutte anti-impérialiste de l’avant. Ça prendra des batailles politiques pour exposer et condamner la servilité des bureaucrates syndicaux face à l’impérialisme canadien. Mais ces batailles nécessaires pour que la colère face au massacre sioniste puisse être canalisée non vers des demandes inutiles envers les gouvernements impérialistes, mais vers la destruction du système impérialiste mondial, sont précisément les batailles que la gauche soi-disant socialiste au Québec et au Canada ne fait pas, se contentant, comme les bureaucrates syndicaux, de demander une politique plus « humanitaire » du Canada et/ou dans certains cas de jouer les meneuses de claque pour le Hamas réactionnaire.

Mobilisez les ouvriers pour la libération de la Palestine et du Québec !

Sans une perspective révolutionnaire et internationaliste, les luttes de libération nationale tombent dans l’impasse et le nationalisme ne peut que créer plus de divisions parmi les opprimés. Au Québec, la CAQ, qui rejette farouchement l’indépendance du Québec, canalise les aspirations nationales des travailleurs québécois vers son nationalisme conservateur et réactionnaire « de survivance ». Pour donner l’allure qu’il défend le Québec, Legault lance des attaques racistes contre les minorités et surtout contre les musulmans qui « refusent de s’intégrer ». Manipulant les sentiments légitimes pour la laïcité provenant des batailles contre l’Église catholique lors de la Révolution tranquille, les attaques de Legault comme la loi 21 divisent et affaiblissent la classe ouvrière québécoise multiethnique. Le résultat est non seulement plus d’attaques des patrons contre des travailleurs divisés, mais aussi peu ou pas d’appui pour la libération du Québec de la part des travailleurs immigrants.

Il faut certainement combattre les politiques « multiculturelles » d’Ottawa qui cherchent depuis longtemps à affaiblir la nation québécoise, voire à la faire disparaître. Mais s’attaquer aux minorités est contre-productif parce que ça les amène à voir l’État canadien comme leur protecteur. La seule façon de se défendre du fédéral est en se battant pour l’indépendance du Québec. Pour y arriver, les Québécois « de souche » ont besoin du plus grand nombre d’alliés possibles au Québec et au Canada anglais. Ils ne trouveront pas de meilleurs alliés que les travailleurs immigrants qui ont laissé leur pays d’origine à cause des guerres et de la misère créées par le système impérialiste mondial, dont le Canada fait partie. C’est donc vital pour la classe ouvrière québécoise de combattre les attaques antimusulmanes poussées par ses élites et ses médias non simplement parce que c’est moralement la chose à faire, mais parce que c’est nécessaire pour libérer le Québec !

Contre l’impuissance et le désespoir, il faut un pôle anti-impérialiste !

La colère face au massacre sioniste a créé une vague d’activisme pro-Palestine dans les campus à Montréal, particulièrement à McGill et à Concordia, qui se bute à la répression des administrations et de la police. C’est le devoir de la classe ouvrière québécoise de sortir en défense de ces étudiants pro-Palestine victimes de répression.

Mais la plupart des leaders de ces mouvements soutiennent la stratégie du Hamas ou ne tolèrent aucune critique du Hamas, tout en semant des illusions sur la possibilité de changer les politiques de Trudeau par la pression morale. Ces jeunes, la plupart d’origine immigrante et anglophones, sont démonisés et isolés de la société québécoise. La plupart vivent d’ailleurs dans les bulles fermées de ces institutions anglophones qui entretiennent le mépris envers les Québécois. En même temps, comme en Israël/Palestine, le désespoir croissant du peuple palestinien est de plus en plus canalisé vers la réaction islamiste tandis que les Juifs sont poussés plus profondément dans les bras du sionisme. Toute cette situation a de toute évidence poussé des individus désaxés à s’attaquer à des personnes ou des institutions, même des écoles, à Montréal simplement parce qu’elles sont juives. Ces actes criminels sont ensuite montrés du doigt par tous les réactionnaires antimusulmans du Québec pour encore plus salir la cause palestinienne. Ce cycle doit être brisé, et seul un pôle anti-impérialiste qui lie la lutte de libération nationale des Palestiniens et des Québécois peut le faire.

Pour arriver à l’unité entre le peuple palestinien et les travailleurs québécois et des autres pays face à l’impérialisme, il faut rejeter l’islamisme qui ne reconnaît pas le droit démocratique du peuple juif israélien à vivre en tant que nation en Israël/Palestine. Mais surtout, le nationalisme arabe et l’islamisme mènent les Palestiniens de défaite en défaite et briser son emprise est essentiel pour la cause palestinienne ! Cela rend d’autant plus important qu’il y ait dans la gauche au Québec un pôle anti-impérialiste qui puisse canaliser l’énergie de ces jeunes militants étudiants multiethniques dans une perspective de victoire contre l’État sioniste et contre l’impérialisme américain et canadien.

La vraie paix arrivera au Moyen-Orient seulement quand les Palestiniens seront libres. Et ils ne seront libres que quand l’État sioniste sera détruit. La seule solution est pour la classe ouvrière juive en Israël de prendre fait et cause pour la libération palestinienne contre le sionisme et l’impérialisme, dont ils sont eux-mêmes aussi les victimes. La population de Gaza n’a aucun besoin de sympathie morale : elle a besoin de libération dans les faits. Elle a besoin d’actions concrètes contre l’impérialisme au Canada et ailleurs. En frappant contre l’impérialisme ici au Québec, la classe ouvrière québécoise aidera non seulement ses frères et sœurs en Palestine, mais avancera aussi vers sa propre libération : la République ouvrière du Québec.

À bas le massacre sioniste à Gaza ! Défendons les militants propalestiniens au Québec et au Canada ! À bas l’impérialisme américain et canadien ! Libération nationale pour les peuples palestiniens et québécois !